Histoire

Les années 70 : Une vision de la mode

En 1974, Ines de la Fressange avait dix-sept ans : « Enfant, quand je feuilletais les magazines, les choses que j’aimais étaient toujours chez Victoire. »

Jeune fille, j’entrais dans la boutique un peu intimidée, avec le sentiment que c’était trop cher pour moi, et puis je tombais toujours sur des femmes très bienveillantes. À l’époque, Victoire était une vision de la mode, comme on feuillette un magazine.

À mon sens, ça été le premier «concept store» même si le mot n’existait pas encore. Il y avait le «by appointment», c’est-à-dire que si c’était choisi par Victoire, c’était bien : un gage pour la cliente et un honneur pour le créateur. »

Françoise Chassagnac est à l’époque la directrice artistique de Victoire : « Ma collaboration avec Victoire a commencé par une révolution, puisque je suis arrivée en avril 1968 ! Je n’avais jamais travaillé dans la mode, mais Antoine Riboud connaissait mon goût pour les vêtements et il m’a fait confiance.

Inès de la Fressange : « Françoise Chassagnac a fait partie de ces gens qui ont aidé la mode à être la mode. J’ai aussi l’impression que Victoire a eu un rôle de coach auprès des clientes. Certaines femmes qui travaillaient, qui n’avaient pas forcément le temps ou le goût de faire du shopping, pouvaient avoir confiance en Victoire: elles savaient qu’elles seraient un peu tendance sans être «fashion victim». La boutique accueillait les bobos avant qu’ils n’existent ! »

En 1970, Jean-Jacques Picart, le célèbre consultant mode, avait 23 ans et venait d’ouvrir son premier bureau de presse :
« Dans les années 1970, il s’est passé chez Victoire quelque chose d’unique : en entrant dans la boutique, vous aviez le sentiment que quelqu’un de bien intentionné avait fait un grand marché en pensant à vous. L’impression que ce qui était là ne l’était pas par hasard, ni par copinage, ni par snobisme, mais parce que c’était bien. Et que si vous aviez un peu d’argent et que vous aimiez la mode, vous trouveriez là l’air du temps. Victoire proposait un choix assez panoramique, des pièces pour des jeunes femmes ou des moins jeunes, du sportswear et de l’habillé, dans un juste équilibre entre la mode et le chic… une sorte d’air du temps qui va durer !

A l’époque, sous l’influence du magazine ELLE, les femmes les plus audacieuses commençaient à vouloir substituer à la notion de mode la notion de style. C’est le moment où la mode a récupéré le vestiaire masculin, a emprunté au sport, inventé le mélange habillé-jour… Victoire a appris à toute une génération de femmes comment mettre en pratique cette leçon de mode qu’elles avaient vue dans les magazines, en fonction de leur silhouette et de leur porte-monnaie. »